PERISCOPE 15 : Le cri du cœur des la jeunesse

Publié le par taphys.over-blog.com

Par Moustapha Sarr Diagne

 

C'est aujourd'hui la journée mondiale de la jeunesse. Si ce n'était la proximité de l'échéance électorale de février, personne n'y aurait prêté attention. Qui se souvient d'ailleurs d'une manifestation organisée à cette occasion durant ces dernières années ? Cette jeunesse dont tout le monde parle aujourd'hui ne fait l'objet de considération que parce que les jeunes forment la frange la plus importante du corps électorale.

 

Depuis la réforme du fichier électorale introduisant l'inscription de ceux qui ont plus de 18 ans sur les listes, la texture du corps électoral s'est considérablement modifiée. Le discours électoral en a pris acte. Il a pris tournure s'orientant vers cette cible privilégiée qui fait l'objet de toutes les sollicitations. Les propos des politiques fourmillent de promesses à leur endroit. On leur fait entrevoir monts et merveilles. Face au désert qu'est le « No Future » qui se présentent à yeux, les politiques font surgir des mirages et leur font croire qu'ils peuvent les mener vers un havre de paix à portée de pas. Bien entendu, souvent les rêves s'évanouissent très vite et le leurre fait place aux lueurs d'espoir. Le quotidien fait d'oisiveté, de désœuvrement, de nuits blanches et de journées mortes reprend très tôt le dessus. Pour la plupart des jeunes, comme l'a montré d'ailleurs une étude récente réalisé des chercheurs de l'Université de Dakar, leur avenir ne peut se conjuguer avec aucun verbe. Il est dans le non-être. Il est dans une sorte de néantisation de leur personnalité. C'est ce sentiment de perdition dans un monde où il leur semble qu'ils n'ont pas de place qui anime aujourd'hui la jeunesse. Et que c'est douloureux d'avoir cette impression d'être né trop tard. Surtout si, dans ses langes, on n'a pas bu le premier sirop avec une cuillère d'argent.

 

Ce sentiment est à l'origine de la frustration qui sourd aujourd'hui au sein de la jeunesse. Il faut remarquer que le phénomène n'est pas spécifiquement sénégalais. Les crises récentes ont vu fleurir partout dans le monde des mouvements contestataires essentiellement formés de jeunes. Génériquement, on les appelle les « indignés ». Ils ont, dit-on, fait leurs premières apparitions en Europe et ont gagné les États-Unis et le reste du monde. Mais c'est là une vision très occidentalisée de la question. Les premiers indignés sont les jeunes Africains qui ont affronté les affres de la mer pour dériver sur les plages de Lampedusa ou sur les côtes des Iles Canaries. Il faudra qu'un jour qu'on se charge de rectifier cette anomalie historique pour dire que la faculté d'indignation n'est pas seulement le monopôle des jeunes des pays riches. Par leurs actes, tous ces jeunes qui ont traversé l'océan sont ceux qui, les premiers, se sont révoltés contre un ordre mondial inique.

 

Fermons la parenthèse pour ne retenir que ce sentiment de frustration diffus au sein de la jeunesse. Mettons-le en rapport avec cette intensité qui se trouve dans toute révolte pour pouvoir comprendre aujourd'hui le comportement des jeunes. Parce qu'ils ont la conviction qu'ils ne sont rien, ils veulent tout. Ils prennent tout à cœur. Le processus de la révolte fonctionne ainsi et cela ne date d'hier. Marx disait des prolétaires que c'est parce qu'ils ne sont rien qu'ils doivent tout réclamer. Gisèle Halimi a repris le même refrain à l'attention des femmes. En 1968, le slogan que les jeunes révolutionnaires affichaient sur les murs était : « Sous les pavés, la plage ! Nous voulons l'impossible ».

 

Pour comprendre le cri du cœur de la jeunesse d'aujourd'hui, il faut se référer à cela. Ils disent, les jeunes, qu'ils en ont marre. Ils sont prêts à tout. Pour éviter qu'ils ne versent dans un nihilisme total, les politiques doivent répondre à leurs interpellations. Non pas en s'indexant les uns les autres mais en leur donnant les moyens de réaliser des rêves d'avenir qui ne soient pas de vaines promesses.

Publié dans Politique

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