PERISCOPE 69 : Demande sociale et demande d'équité

Publié le par taphys.over-blog.com

Par Moustapha Sarr Diagne

 

A une cinquante de jours de l'élection présidentielle, c'est le front social qui entre en ébullition avec la grève des transporteurs qui a paralysé le pays pendant deux journées, celle des enseignants qui a débuté hier et cette autre des médecins qui devraient durer encore plus d'une dizaine de jours.

 

On dirait que les syndicats se sont donné le mot. Mais entre les transporteurs, les médecins et les enseignants, il serait difficile de trouver des connexions. L'occurrence entre ces séries de grèves ne peut s'expliquer que par le hasard des vicissitudes du calendrier république. La période pré-électorale, cela a toujours de mise dans la pratique des syndicats, est extrêmement propice pour mettre à l'épreuve le pouvoir et exercer une pression sur lui. Aussi devrait-on se satisfaire de cette seule explication pour rendre compte du bouillonnement actuel du contexte social. Il est d'ailleurs fort prévisible que la série puisse s'allonger parce que d'autres syndicats comme celui de la justice affûte ses armes et ne va manquer d'entrer dans la danse.

 

Cette hausse de la température sociale est indicative du malaise profond dans lequel s'est vautré la société sénégalaise. Non pas que les traditionnels indicateurs économiques soient particulièrement mauvais. Mme Christine Lagarde du Fonds monétaire international vient de délivrer un avis de non objection très précieux pour le Sénégal concernant les politiques économiques mises en œuvre par le ministère des Finances. On est donc en situation alarmiste. Mais le problème de ce pouvoir est ailleurs. Le mal se loge dans le mode de gouvernance du pays. Alors que le prix de l'essence à la pompe fait en l'espace de quelques mois un bond vertigineux, que les denrées de base ont connu avec les festivités de la Noël et du nouvel an des hausses injustifiées, qu'as-t-on vu ? Un Président de la République complètement empêtré dans l'équation de sa réélection, attribuant à gauche et à droite des prébendes à des juges déjà amplement à l'abri du besoin, jetant des milliards de francs à ses militants pour l'organisation d'un congrès d'investiture qui fut d'ailleurs un vrai flop, distribuant des millions à tours de bras à des lutteurs dont la cassette était déjà rempli à ras bord, ou à des militants qui n'ont juste fait que transhumer vers ses « prairies bleues ».

 

Un fort sentiment de frustration s'est développé dans le pays et l'impression est vive, pour ceux qui cherchent le diable dans la ville pour lui tirer la queue, qu'une société de l'injustice et de l’iniquité s'est durablement installée dans le pays depuis l'avènement de l'alternance. Le mérite ne paie plus. La servilité est devenue le sésame pour acquérir indûment biens et richesses. On ne donne pas de la confiture à des cochons, dit l'adage. Et ce sont ceux qui ont bénéficié des largesses du Président de la République qui aujourd'hui sont en train de creuser sa tombe. Arrogants et hautains, ils se promènent dans la ville avec une bouche de la laquelle la marmelade et se permettent de prendre de haut tout le monde. C'est bien cela qui fait la rage des opposants au régime de Wade. C'est cela l'insupportable. Ce mépris pour le travail, ce manque de considération des hommes et des femmes, des médecins, des enseignants, des chauffeurs et des transporteurs qui triment toute la journée pour gagner honnêtement leur vie.

 

Si le Parti socialiste avait été évincé du pouvoir par la demande, le régime de l'alternance risque gros avec la demande d'équité. Ce que les Sénégalais veulent, c'est une société plus juste. C'est ce qu'il faut décrypter à travers les messages envoyés par les grévistes au pouvoir.   

Publié dans Politique

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