PERISCOPE 63 : La faute à la loi Ezzan

Publié le par taphys.over-blog.com

Par Moustapha Sarr Diagne

 

L'instruction de l'Affaire du meurtre de Ndiaga Diouf a à peine commencé que diverses parties interviennent dans le domaine public pour jeter un nuage de fumée sur cette affaire. Comme il est d'ailleurs devenu de tradition dans ce pays, on aime nager dans le flou. Ce ne sera pas la première fois qu'une enquête de cette nature n'aboutisse à son terme. Le meurtre de Me Babacar Sèye est resté un mystère jamais élucidé dans notre histoire politique. Celui du commissaire Sadibou Ndiaye maquillé en suicide n'a jamais livré ses secrets. Parlons aussi du passage à tabac de Talla Sylla, affaire qui n'a jamais été close mais qui est restée sans suite. Le sac des journaux 24H Chrono et l'As sont aussi à mettre sur cette liste à la Prévert des impunités. Passons sur ces nombreux morts durant les campagnes électorales de 1988 à maintenant à Thiès, en Casamance et d'autres localités que la mémoire collective a définitivement effaces de ses souvenirs. Il est donc grand temps dans notre société sénégalaise que l'on cesse de faire l'impasse sur les meurtres politiques.

 

Du reste, il faut reconnaître que la loi Ezzan qui a permis de ranger aux oubliettes de l'histoire le dossier de l'assassinat de Me Babacar Sèye a été du plus mauvais effet sur notre conscience collectivité. Elle a consacré l'impunité et en a fait un principe de gestion des affaires criminelles touchant le monde politique. C'était une loi injuste. Elle n'a jamais de permis disqualifier la violence comme l'avait mentionné le législateur dans l'exposé des motifs mais plutôt dressé un voile du silence sur une affaire dont les fils auraient pu être aisément démêlés par une bonne enquête police. Le monde des politiques a préféré la politique de l'autruche au lieu de chercher les coupables, les vrais qui avaient osé attenter à la vie d'un juge constitutionnel. Si on est aujourd'hui à ce climat délétère où les hommes se promènent avec des pistolets en bandoulière, où la sérénité des juges est menacée, où des bandes armées à la solde de commanditaires politiques se permettent de tendre des guet-apens, de faire des équipées à l'aube chez des adversaires politiques, c'est la faute à la loi Ezzan. Comme il serait injuste de laisser en l'état une loi injuste, il faudrait un jour que le législateur songe à abroger cette loi.

 

Avec le meurtre de Ndiaga Diouf, il ne faudrait pas que l'enquête retombe dans les mêmes travers que celle qui a concerné l'Affaire de l'assassinat de Me Sèye. La police est suffisamment outillée pour éclaircir les zones d'ombre. Cela est d'autant plus facile que bien des éléments sont tombés dans le domaine public. Les chaînes de télévision ont diffusé la fusillade. La police en la personne du commissaire de l'arrondissement de Dieuppeul était sur place. L'autopsie de la victime a été faite. Les nervis blessés sont à la disposition des enquêteurs. On ne voit pas pourquoi est-ce que la vérité ne serait pas dévoilée et tous les coupables sans exception punis. Bien entendu, il existe des gens qui ont tout intérêt à ce que la lumière ne soit jamais faite, ils sèment la confusion et instrumente l'opinion. Et c'est la raison pour laquelle l’État dans cette affaire a un devoir d'équité et la loi doit être appliquée dans sa rigueur sans immixtion de considérations politiques.

 

Ce qui serait dangereux pour ce pays et la phase électorale vers laquelle on se dirige, c'est de vouloir noyer le poisson dans l'eau. Parce que ce serait la porte ouverte à toutes les dérives. N'importe qui pourra se lever et tirer sur n'importe qui. Ce serait alors le vrai far-west avec ses vendettas, ses règlements de compte et ses embuscades. Et là, plus personne ne sera en sécurité.

 

 

Publié dans Politique

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